samedi 29 décembre 2012

Vous avez dit populiste ? Comme c'est populiste...


Par un de ces curieux hasards de la vie qui font se télescoper des informations a priori sans rapport les unes avec les autres, le discours de Noël de notre Souverain et la polémique qu'il a suscitée nous amènent, par un chemin plus court qu'il n'y paraît a priori, au tout nouveau Contrat de gestion de la RTBF, adopté vendredi dernier, en fin de soirée, par son Conseil d'Administration.

En page 3 d'un document qui en compte septante-huit, quelque part au milieu d'une fastidieuse énumération de « Etant préalablement entendu ce qui suit », on trouve la phrase suivante :  
« La RTBF refuse toute forme de populisme dans ses programmes, veille à en expliquer les simplismes et les dangers et donne aux citoyens les clés et les outils pour lutter contre celui-ci. » 

Si l'on comprend l'intention - louable - qui sous-tend la démarche, sa formulation n'en soulève pas moins certaines questions dont la principale, évidente, indispensable au débat : Qu'entend-on, au juste, par "populisme" ? Le Contrat de gestion reste muet à ce sujet. Il faut donc nous en référer à notre intuition, à notre analyse, à notre expérience.
Celle des récentes campagnes électorales, présidentielles en France et communales en Belgique, nous ont donné le spectacle de certains candidats, parfois aussi opposés sur la forme que sur le fond, n'ayant pourtant que ce terme à la bouche, dans le but, à peine dissimulé, de river son clou à l'adversaire ou tout au moins, de le discréditer : Populiste ! disait l'un. Vous même ! rétorquait l'autre.
On avance, et le débat démocratique, encore plus !

Et voilà que ce vendredi matin, c'est la RTBF elle-même qui, revenant sur la polémique soulevée par le royal discours, posait enfin la question tant attendue : « C'est quoi, le populisme ? » donnant, pour y répondre, la parole au sociologue Richard Lorent, auteur de "L’antipolitique – Les mots piégés de la politique" :
« Ce spécialiste, préfère plutôt éviter l'utilisation du terme "populiste". Ce qualificatif étant selon lui, essentiellement fourre-tout et disqualificateur pour l’adversaire. »

Ouf ! Nous ne sommes pas les seuls, trouvant ce mot trop souvent galvaudé, à le prendre avec des réserves, globalement pour cette même raison qu'il veut dire tout et son contraire et qu'il deviendrait donc facile d'évincer un interlocuteur, de contester un reportage, d'écourter un débat en invoquant ce motif.

Du reste, si l'on excepte le fait qu'à la tête des mouvements populistes, on trouve souvent un leader charismatique "qui veut devenir calife à la place du calife", il faut bien admettre que, dans un monde où les inégalités se creusent chaque jour un peu plus et où les richesses sont concentrées dans les mains d'une minorité, nous pourrions être nombreux à nous reconnaître dans cette définition succincte : « Le populisme met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société. Parce qu'ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société : ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population.» 
Heureusement, il y a d'autres critères pour faire un tri plus subtil et ne pas précipiter dans ce panier tous ceux qui souhaitent, tout simplement, un monde où les richesses seraient réparties de manière plus équitable...

Mais au-delà de l'aspect terminologique de ce passage du Contrat de gestion, il y a cette autre interrogation : si la RTBF éprouve le besoin de mentionner explicitement qu'elle refuse le populisme, pourquoi ne le fait-elle pas d'autres dérives, tels que la démagogie, le poujadisme ou les extrémismes ?
Veiller à expliquer les simplismes et les dangers qui menacent la démocratie et donner aux citoyens les clés et les outils pour lutter contre ceux-ci, ou plus généralement, donner aux citoyens les clés et les outils pour appréhender le monde dans lequel il vit afin, notamment, qu'ils ne succombent pas à des courants de pensée séduisants mais dangereux... n'est-ce pas là l'essence même du service public ?

Nous avons pas encore eu le temps d'analyser l'ensemble du Contrat de gestion : eh oui, nous avons une vie en dehors de notre intérêt pour les médias... Mais de deux choses l'une, soit il a été vidé de sa substance au point qu'il soit devenu impératif de préciser ce qui découle normalement et naturellement des missions du service public, soit le Contrat de gestion est clair et dans ce cas, cette phrase n'a aucune raison d'y figurer, sorte de pièce rapportée, pour ne par dire cheveu dans la soupe, qu'on a souhaité placer là, à tout prix...

Pour quelles raisons ? La réponse nous échappe, mais notre conclusion sera mot pour mot, et c'est amusant, la même que dans l'article de la RTBF sur le discours du Roi :
« Seuls ses auteurs le savent. »
Qui sait, si ça se trouve, ils se connaissent...

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Pour aller plus loin dans la réflexion sur le(s) populisme(s) :
L'émission Samedi + (Martine Cornil) du 15/12/2012 - Silvio Berlusconi, le retour


2 commentaires:

  1. La pub a son greenwashing, la RTBF a son contrat de gestion...

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  2. Il existe un excellent petit livre écrit par Benoit Schnekenburger. Son titre dit beaucoup : "Populisme, le fantasme des élites".
    Voici un extrait de sa présentation : "Le mot populisme sert à décrire tout autant des mouvements progressistes, depuis la fin du XIXe siècle, que l’extrême droite européenne. Ne faut-il pas alors voir dans cette confusion la raison d’être d’un concept qui masque avant tout une défiance face au peuple et à la démocratie ?
    Il faut entreprendre l’histoire de ce dénigrement pour comprendre la morgue de ceux qui l’utilisent à tort et à travers. Le peuple a toujours fait peur, le libéralisme produit les mécanismes pour le bâillonner. Fantasme des oligarques, le populisme exprime leur haine du peuple.
    Source : http://gauchedecombat.com/2012/01/28/populisme-le-fantasme-des-elites/

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