mardi 5 juin 2012

Contrat de Gestion RTBF 2013 - 2017

Dans le cadre de l'élaboration du prochain Contrat de Gestion de la RTBF, nous avions demandé à être auditionnés par les parlementaires de la Commission de la Culture, de l'Audiovisuel, de l'Aide à la presse, du Cinéma, de la Santé et de l'Egalité des chances du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Cette demande faisait suite à divers encouragements, tant de la part de personnalités politiques que du milieu associatif et citoyen.



Il nous a été répondu que le planning des auditions dans le cadre de ces travaux était particulièrement serré et que nous ne pourrions être auditionnés.

Par contre, nous avons été sollicités pour apporter une contribution écrite à la Commission.

Voici le contenu de ce cahier d'observations et recommandations. Il ne se veut pas exhaustif mais reprend les thèmes qui nous ont le plus interpellés ces derniers mois.

Bonne lecture.

 

Contrat de Gestion de la RTBF - 2013-2017


Commission de la Culture, de l'Audiovisuel, de l'Aide à la presse, du Cinéma, de la Santé et de l'Egalité des chances,
Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles,


Mesdames, Messieurs,
Nous vous remercions pour votre invitation.

Le collectif « RTBF89 », qui regroupe des téléspectateurs et auditeurs de la RTBF attentifs et soucieux de la spécificité du service public, s’est constitué il y a environ un an et demi, à la faveur de l’émergence des réseaux sociaux. Il regroupe à ce jour plus de 300 membres sur sa page Facebook.

Des discussions presque quotidiennes sur les programmes de la RTBF, la manière de les traiter, tant sur la forme que sur le fond, les missions du service public et son évolution au fil du temps, nous ont amenés à faire des constats qui, bien souvent, rejoignent ceux que l’on peut lire, tantôt de la part d’observateurs extérieurs des médias, tantôt  d’anciens de la profession dont la parole s’est libérée, et qui nous confortent dans notre analyse.

Le premier constat qui s’impose, celui dont on pourrait dire qu’il est « plébiscité » à mauvais escient, est celui de la présence de la publicité, de plus en plus ressentie comme une nuisance et une agression. Pour certains même, un repoussoir envers le produit vanté.

  • RTBF89 a cosigné avec le Conseil de la Jeunesse et d’autres associations, un projet de « mercredis sans publicité » développant les raisons de cette proposition et suggérant des pistes de financement alternatif. Il n’en est donc fait mention ici que pour mémoire, mais aussi pour souligner à quel point cette présence publicitaire a modifié le paysage médiatique, dans le sens d’une perte indéniable en termes de qualité.

    Le passage progressif au placement de produits, s’il paraît moins intrusif, ne nous rassure pas davantage : nous souhaitons à cet égard que la Fédération Wallonie-Bruxelles fasse preuve d’une plus grande cohérence au sein même de son Institution et par rapport aux objectifs qu’elle poursuit. Comment, en effet, justifier et crédibiliser telle démarche visant à interdire les boissons sucrées dans les écoles quand, par ailleurs, une émission destinée à un jeune public est précisément sponsorisée par la plus célèbre de ces boissons, continuellement visible dans l’un ou l’autre coin de l’écran ?


    De là à conclure que l’école est définitivement le lieu de la frustration et des interdits et la télévision celui où tout est permis, sinon encouragé, il n’y a qu’un pas que le jeune public ne manquera pas de franchir.


    On le voit, cette question ne concerne pas les seuls professionnels des médias et ne commence ni ne s’arrête avec la négociation du Contrat de Gestion. Nous invitons nos représentants à se pencher sur le « problème » (car c’en est un) de la publicité, non pas en termes de manne providentielle pour gonfler la dotation de la RTBF, mais en termes de société et de valeurs que les missions du service public sont supposées défendre, Contrat de Gestion à l’appui.

  • RTBF89 s’est penché sur le contenu et la formulation du Contrat de Gestion 2007-2012. Nous avons été frappés de la répétition de la formule : « dans la mesure du possible » qui revient pas moins de 14 fois sur un total de 42 pages aérées, et le plus souvent dans le corps principal d’un article, rarement dans les alinéas. Nous nous interrogeons sur la crédibilité et le poids que peut avoir un contrat dès l’instant que ses objectifs sont constamment  édulcorés, sinon annihilés par une formule qui transforme un document de référence, censé définir un cadre et des buts vers lesquels tendre, en un catalogue de bonnes intentions.

    Nous demandons par conséquent que soit supprimée la formule « dans la mesure du possible » du prochain Contrat de Gestion
    et que celui-ci comporte désormais des engagements précis et mesurables.

  • RTBF89 déplore le manque de visibilité systématique des émissions de médiation : en télévision, l’an dernier, c’était un jour de semaine à 15 heures ; actuellement, c’est le vendredi à 22h50. Nous ignorons quel jour et à quelle heure l’émission consacrée à la médiation en radio est diffusée (comme le prévoit l’Art. 24 du Contrat de Gestion : « La RTBF, tant en radio qu’en télévision… »).  Nous demandons des horaires de diffusion conformes aux buts recherchés par une émission de médiation à savoir, d’aller à la rencontre du public et être à son écoute, et non de donner l’impression d’éviter de croiser son regard et surtout, son jugement. Le choix du direct paraît également naturel à ce type d’émission, ce qui n’est pas le cas de la formule actuelle qui ne permet en rien de se faire une idée réelle des aspirations ou des sujets de mécontentements du public, étrangement absent du décor ou trié sur le volet. Nous avons remarqué que certains intervenants présentés comme de simples téléspectateurs étaient stagiaires à la RTBF.

    Par ailleurs, RTBF89 se prononce en faveur de l'externalisation du service de médiation afin qu'il ne s'apparente pas à la seule fonction de porte-parole des décisions prises en son sein mais soit un réel outil de dialogue entre la RTBF et ses auditeurs/téléspectateurs, où la voix de chacune des parties en présence serait également prise en considération.  La situation actuelle n'arrive pas à ce nécessaire équilibre, tant dans les émissions télévisées que dans les réponses aux plaintes par courrier.
  • RTBF89 souhaite également attirer l’attention sur le baromètre de la représentativité de différentes catégories de la société dans l’ensemble des émissions diffusées par les télévisions locales, RTL-TVI et RTBF, publié par le CSA (28 mars 2012). Il montre :
    • Une sous-représentation des femmes (33,50 %) ;
    • Une sous-représentation des intervenants identifiés comme non-blancs (13,96 %) ;
    • Une prépondérance des catégories socio-professionnelles supérieures (46,99 % !), montrées dans des fonctions prestigieuses ;
    • Une sous-représentation des catégories socio-professionnelles moyennes ou faibles, ces dernières accompagnées d’une image peu valorisante ;
    • Place des handicapés hors actions de bienfaisance : 0,30% (!)
    Dans son préambule, le Contrat de Gestion précise que « la RTBF s’adresse à l’ensemble du public de la Fédération Wallonie-Bruxelles ». Il paraîtrait naturel qu’elle le fasse de manière à être effectivement le reflet de notre société actuelle et non pour plaire notamment à ses annonceurs qui se reconnaissent dans les 46% du temps consacré aux classes sociales supérieures.

  • D’un point de vue plus global, RTBF89 déplore la montée en puissance, à la RTBF, de la conception d’une télévision « de divertissement passif », lorgnant dangereusement sur la concurrence privée. Dangereusement, parce que le public à la recherche de divertissement passif préfère toujours l’original à la copie, tandis que ceux qui attendent du service public qu’il fasse « du service public » se fatiguent et, de guerre lasse, finissent par s'en détourner au profit de la concurrence ou simplement d'une autre activité (*).

    Sur le plan du traitement de l’information, l’explosion de l’internet et des réseaux sociaux doivent pousser les médias traditionnels à se remettre en question.

    En mars 2011, lors des grands changements de décors et d’horaires des infos en télévision, les téléspectateurs avaient majoritairement émis le souhait (Emission Mediatic du 14 mars) que les journaux consacrent moins de temps aux faits divers et plus de temps aux analyses. Peu de changements significatifs ont été observés en ce sens. La tendance actuelle des médias traditionnels - et pas seulement la RTBF - les pousse à tenter de suivre le rythme de l’Internet, avec le risque permanent de déraper ou d’en faire beaucoup trop. Il nous semble, tout au contraire, que leur seule chance de survie, qu’il s’agisse de la radio, de la télévision ou de la presse écrite, est précisément de développer une autre manière d’informer que celle de l’immédiateté, une autre conception de l’info davantage basée sur le recul et l’analyse que réclamaient justement les téléspectateurs en mars 2011.

  • En marge de cette réflexion, mais sans lien direct avec le Contrat de Gestion, RTBF89 s’est posé la question de l’opportunité d’avoir à la tête de la RTBF un Administrateur délégué qui soit, dans le même temps, Président du Conseil d’Administration de la Régie Média Belge, interface entre les annonceurs publicitaires et la RTBF. Nous tenions à faire part ici du réel malaise qui existe à ce sujet chez le public qui s’intéresse un tant soit peu au fonctionnement des médias.

  • Notre dernier constat débouche sur une proposition. Nous avons relevé plus haut les nombreuses utilisations de la formule « dans la mesure du possible ». Nous constatons également que si tous les cinq ans, il est discuté de ce que sera le prochain Contrat de Gestion, il n’est en revanche toujours pas prévu de faire le bilan de la période écoulée. 

    RTBF89
    suggère que soit introduite la notion de résultat dans le prochain contrat, avec une évaluation où seraient entendus les mêmes acteurs que lors de l’élaboration du contrat de gestion et qui aurait lieu à la moitié du terme de celui-ci, soit au bout de deux ans et demi.

    Dans la même optique, RTBF89 propose ou soutient toute proposition allant dans le sens d'une participation de représentants de la société civile aux décisions du Conseil d'Administration de la RTBF. En tant que citoyens, il nous paraît légitime que la transparence soit l'une des composantes naturelles lorsqu'il s'agit des Institutions démocratiques. Il nous paraît tout aussi légitime que cette transparence s'exerce également dans le cadre d'une entreprise de service public qui s'invite tous les jours dans nos vies, par petit écran ou radio interposés.



Pour le collectif RTBF89,

Isabelle Marchal

Eric Pecher

Catherine Godart

Philippe Walraff


Contact: rtbfblog@gmail.com

Blog: rtbf89.blogspot.be

Groupe Facebook: www.facebook.com/groups/rtbf89/


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(*) Ce qui, en soi, n'est pas un mal.