mercredi 18 décembre 2013

Viva For Life: Bons sentiments et mauvaises politiques

Une opinion de Irène Kaufer, citoyenne.*

Voilà, c'est parti pour Viva For Life : parti pour six jours d'autopromotion ertébéenne, six jours de show médiatique, de caméras braquées sur trois animateurs de radio qui vont faire les zouaves « au profit des bébés pauvres » - comme si le fait qu'ils ne mangent rien de solide et dorment peu pouvait améliorer le sort de qui que ce soit, à part le leur. Car c'est bien sur eux et sur les « stars » qui viennent les soutenir que les caméras sont braquées, sans même parler de leur caricature de grève de la faim et de sommeil perturbé, quand tant d'autres mettent réellement leur santé en jeu pour une cause ou sont contraints de dormir dans la rue !

Et tout cela en évitant une véritable analyse...

Comme s'il y avait des « bébés pauvres » sans parents pauvres, et particulièrement des mères pauvres, ces fameuses « familles monoparentales » qui forment une partie importante de la population précaire !

Comme si la pauvreté était une fatalité, une sorte de catastrophe naturelle dont seule la générosité publique pourrait soulager les victimes !

Comme s'il n'y avait pas de responsables !

Comme si la justice sociale était simple affaire de bons sentiments !

Comme si le combat contre la pauvreté n'était pas le devoir – et l'un des plus importants – des autorités publiques !

On verra donc de pauvres gens ouvrir leur portefeuille pour de plus pauvres qu'eux, des associations collaborer, de gré ou de force, à ce cirque indécent, contraintes de faire appel à la charité par leur manque de moyens. On verra des bénévoles plein/e/s de bonne volonté, des militant/e/s de la cause des enfants et/ou de la misère se laisser enfermer, sinon dans un cube de verre, du moins dans une bulle médiatique, avant d'être renvoyé/e/s à l'invisibilité , pour tenter de combler des trous creusés par d'autres !

Mais les bons sentiments ne peuvent rien contre de mauvaises politiques. Si la pauvreté et la précarité sont en pleine expansion dans notre pays – qui reste un pays riche, rappelons-le ! - ce n'est dû ni à une tornade, ni même à la « crise » très anonyme, mais à des inégalités sociales croissantes créées et entretenues par de mauvaises politiques, dites d'austérité – mais pas pour tout le monde ! Car face aux enfants et aux parents vivant sous le seul de pauvreté, il y a tous ceux qui vivent au-dessus du seuil de la richesse et qui ne sont jamais mis à contribution. « De plus en plus de riches en Belgique», titrait la Libre du 3 juillet 2013, notant l'augmentation de 7% du nombre de millionnaires. « De plus en plus de jeunes sont confrontés à la pauvreté », titrait en parallèle le Soir du 15 mai 2013.

Le rôle d'un média de service public, ce n'est pas de se prêter à des « jeux » (dont le « concept » a été acheté ailleurs, c'est un comble!), mais de faire le lien entre les mesures politiques et l'accroissement de la précarité. D'expliquer que ces bébés pauvres qu'on prétend aider – ou surtout pousser d'autres à les aider – sont les enfants de parents pauvres, de travailleur/se/s aux salaires bloqués, dégraissés (de leur emploi) puis dégressés (de leur allocation de chômage) ; des « isolé/e/s » empêché/e/s de sortir la tête hors de l'eau en essayant de diminuer certaines charges par la colocation, qui les ferait chuter au statut de cohabitant/e, avec réduction de revenus à la clé ; des mères seules contraintes à courir d'un boulot sous-payé à une crèche où il n'y a plus de place ; et tous ces « assistés » qu'on ne cesse de fustiger en étranglant financièrement les institutions censées leur venir en aide : demandez donc aux CPAS !

Quant à celles et ceux qui se révoltent, quelle horreur ! On ne peut pas d'un côté verser des larmes de crocodile sur les «bébés pauvres» et de l'autre, répéter qu'il n'y a qu'une seule politique possible, pointer du doigt ces grévistes «preneurs d'otage» ou ces syndicalistes pourtant bien sages toujours soupçonnés de refuser d'évoluer avec le monde... ce monde qui justement, entretient la misère !

Après l'opération « Hiver » de 2012, voilà la RTBF qui oublie encore une fois son rôle de service public pour un grand numéro de « charity show » qui se situe, lui, très en deça du seuil de la décence.



















Le blog d'Irène Kaufer : http://www.irenekaufer.be/

"Angry for justice", groupe facebook créé par Irène Kaufer: https://www.facebook.com/groups/angryforjustice/

vendredi 13 décembre 2013

Vente et relocation des émetteurs de la RTBF ?



Un projet de sale & leaseback [1] (vente d’un bien pour le louer au nouveau propriétaire) est sur le point de se réaliser en catimini concernant les émetteurs du média de service public.

Malgré un avis négatif rendu en 2012 lors d’un audit de Deloitte, une récente publication dans TED [2] (supplément du journal officiel de l’Union européenne) vient confirmer que la direction ertébéenne poursuit dans cette piste de financement éphémère.

On peut y lire l’extrait suivant :
                «Le choix de la procédure accélérée se justifie par le fait que la RTBF doit s'adjoindre, dans les plus brefs délais, les services d'une société de consultance spécialisée dans l'accompagnement à la vente d'actifs, afin d'initier rapidement et de mener à bien la transaction de vente de l'infrastructure Emetteurs et de l'externalisation de l'activité de transmission y afférente. L'objectif de cette réalisation d'actifs est, pour la RTBF, de rencontrer les obligations qui lui ont été fixées par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans son nouveau contrat de gestion, en termes de « responsabilisation SEC95 ». L'urgence entourant ces impératifs, essentiels tant pour la RTBF que pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (quant à sa capacité et son besoin de financement), rend inadéquats les délais classiques.»
Une recherche de financement d’urgence précipiterait donc l’affaire ; précipitation rarement bonne conseillère en pareille circonstance.

En mars dernier, un article de Trends.be [3] évoquait les difficultés financières de la maison Reyers avec comme piste, notamment, « la vente de terrains, voire même de quelques pylônes émetteurs appartenant à la RTBF » afin de « mettre un peu de beurre dans les épinards amers des comptes de la radio-télévision publique. »

Or, les derniers échos font mention de l’ensemble des installations émettrices, y compris des bâtiments à valeur historique si on en juge un récent reportage de la RTBF relatif à l'un des six émetteurs principaux. [4]
La vision de la vidéo en bas d’article permet de comprendre la valeur patrimoniale du site.
Une quinzaine de personnes travaillent dans les installations d’émetteurs de la RTBF.
Le coût d’usage et d’entretien est actuellement d’environ 6 millions d’euros par an.

On se souvient que la VRT a réalisé une opération similaire entre 2008 et 2009 [5] avec l’opérateur privé Norkring Belgique.
Non sans quelques regrets : l’achat a été amorti par Norkring en moins de deux ans.
La VRT paierait une rente annuelle de l’ordre de 13 millions d’euros prévue dans un bail de 9 ans.

Rappelons que la « responsabilisation SEC95 » pousse la RTBF à rechercher un meilleur équilibre budgétaire pour obtenir un « bonus » de dotation.
Cependant, la source des économies potentielles visant cet objectif ne se limite nullement à la cession d’actifs.
La vente des émetteurs est un choix « facile » à court terme mais alourdira de manière significative le budget de la RTBF pour les années suivantes. La rente annuelle qui devra être payée au nouveau propriétaire des émetteurs constituera une dépense dépassant de loin (plus du double !) le coût annuel du fonctionnement des installations, entrainant un nouveau déséquilibre budgétaire avec une répercussion inévitable sur d’autres secteurs.


Par ailleurs, par cette vente, la RTBF se priverait de rentrées financières régulières apportées par la mise à disposition de certaines installations à d’autres opérateurs médias  [6] (Bel-RTL, Radio Contact) mais aussi aux opérateurs de téléphonie mobile.
On imagine difficilement la RTBF faire une bonne affaire dans ces conditions.

Une vente des installations émettrices serait irréversible pour la RTBF ; il serait impossible de retrouver des sites adéquats disponibles et l’installation d’un nouveau matériel technique aurait un coût exorbitant.

Nous nous retrouvons face à un cas typique de partenariat public-privé (PPP) [7] qui tend à se répandre dans nos contrées. Un mode de financement critiqué [8] car rien ne démontrerait le bénéfice en terme de coût ou d’efficacité de gestion.

La RTBF va-t-elle réellement brader des installations à la fois utiles, rentables et à valeur patrimoniale inestimable ?

Selon un article paru dans l'Avenir [9] le 12 décembre 2013, la RTBF reste évasive sur la question.
 
Références :
[1] Revente et location à long terme de l’objet de la vente : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sale_and_Leaseback
[2]Avis de marché publié en mai 2013 dans le supplément du Journal official de l’Union européenne TED : http://ted.europa.eu/udl?uri=TED:NOTICE:144498-2013:TEXT:FR:HTML&src=0
[6]Article de L’Avenir du 6 février 2010 :  http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=408242
[7]Le Partenariat public-privé (PPP) :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Partenariat_public-priv%C3%A9

samedi 14 septembre 2013

Madame la Ministre, passez-nous le décodeur, svp...

Lettre ouverte à Fadila Laanan, parue le 14 septembre dans l'hebdomadaire Marianne Belgique dans sa rubrique Controverse.
Notre manière de souhaiter une bonne rentrée parlementaire à la Ministre de l'Audiovisuel... et de l'Egalité des chances.



 















Madame la Ministre,

Peu avant les vacances, on s'en souvient, le projet d'émission « Je veux ce joooooob » (RTBF/Actiris/Ebuco) avait déclenché une avalanche de critiques, au point d'être très vite retiré, ou plutôt, suspendu. A l'approche de la rentrée parlementaire, au nom de RTBF89, collectif de citoyens attentifs et attachés au service public, nous souhaitons revenir sur cette affaire.

Tout d'abord parce qu'officiellement, le projet n'est pas abandonné. En télévision comme ailleurs, nombreux sont les exemples de projets, contestés et suspendus un jour, qui réapparaissent, quelques semaines/mois/années plus tard, sous une autre apparence, dans un autre emballage, mais sur le fond, quasiment identiques. Nous préférons donc rester vigilants.

Ensuite, parce que dans ce dossier, des questions sont restées sans réponses. La première porte sur le concept de l'émission, présentée comme un divertissement sur fond de recherche d'emploi. Compatible ou incompatible avec les missions de service public ?

Au plus fort de la polémique, on vous a peu entendue, sinon par la voix de votre porte-parole : « On a vu les critiques hier, mais il n'y a pas d'ingérence de la part de la ministre dans les programmes de la RTBF. Ils ont une liberté totale ». Certes, en tant que Ministre en charge des matières audio-visuelles, votre rôle n'est pas d'intervenir sur le contenu des programmes. Néanmoins, les balises que constitue, tant bien que mal, le contrat de gestion, doivent inciter à s'interroger sur les limites de ce qui peut être livré ou non dans l'arène du petit écran, et avec quelles conséquences. Et à prendre position, à l'occasion, quand ces limites menacent d'être franchies.

« Les internautes ont mal saisi les valeurs que le service public a voulu mettre en avant : des valeurs de respect de la personne », disait le porte-parole de la RTBF. Outre que nous ignorons toujours – faute de nous l'avoir expliqué clairement – ce que nous aurions mal saisi et ce que nous étions supposés comprendre, on ne peut que s'interroger sur les valeurs de « respect de la personne » que cette émission avait à nous transmettre. Ce n'était pas un jeu, nous dit-on et le principe ne reposait pas sur des éliminations de candidats. Fort bien. Mais on reste cependant perplexe sur le choix d'une émission de « divertissement » sur un sujet de société touchant – et avec quelle violence – plusieurs centaines de milliers de personnes.

On s'interroge aussi sur le peu de place accordée généralement aux chômeurs dans le paysage audio-visuel (*), généralement réduits à de simples statistiques au JT, entre une naissance princière et un résultat sportif, et cette spectacularisation soudaine de quelques uns d'entre eux dont la recherche d'emploi, magnifiée par les conseils d'un coach (et son carnet d'adresses) serait enfin couronnée de succès.

Quel est donc le message qu'on cherche à nous faire passer ? Que les chômeurs qui le veulent vraiment s'en sortent, tandis que les cohortes d'inutiles qui encombrent les allées des bureaux de chômage sont, soit des paresseux, soit des incapables ? Les réponses au problème collectif et endémique du chômage seraient donc individuelles et proportionnelles à la motivation du chômeur ? Voilà un message subliminal qui laisse songeur et ne paraît pas avoir sa place sur une chaîne de service public.

Mais peut-être n'est-ce pas votre interprétation. Sans doute trouvez-vous que nous voyons le mal partout et qu'en effet, pour reprendre les termes du porte-parole de la RTBF, « le service public ne doit pas s'interdire ce genre d'émissions », un « grand divertissement familial dont les valeurs semblent a priori saines » pour reprendre les vôtres, au sujet de The Voice...

Dans ce cas, et si cette émission mérite, selon vous, de figurer au programme d'une télévision de service public, une autre question nous vient à l'esprit. Elle rejoint l'interpellation que nous faisions, début juillet, à Céline Frémault, Ministre de l'Emploi de la Région bruxelloise. Nous l'interrogions sur le tri apparemment effectué par Actiris dans l'envoi d'un mail à certains chômeurs.

Lesquels, et sur la base de quels critères ? Mystère. Si la Ministre nous a rassurés sur notre principal motif d'inquiétude – le transfert de données personnelles à la société EBUCO – nous n'en savons pas plus sur ces fameux critères.Il nous aurait paru opportun qu'en tant que Ministre de la Culture, de l'Audio-visuel, de la Santé... et de l'Egalité des chances, vous vous en soyez inquiétée. 

Et surtout, comment la Ministre de l'Egalité des Chances de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne s'est-elle pas interrogée sur le fait que seul Actiris, exclusivement centré sur la Région bruxelloise, ait été associé à ce projet ? Si ce programme était recevable à vos yeux et compatible avec les missions de service public, pourquoi le Forem en a-t-il été tenu à l'écart ? Si c'était une si belle opportunité, il aurait fallu veiller à ce qu'elle soit donnée à tous.

Pour le coup, c'est raté. 

Enfin, pour la petite histoire, certains échos nous étant parvenus des trois partenaires associés à ce projet, la RTBF, Actiris et Ebuco, il semble que chacun se renvoie la balle dans l'échec (le flop) de ce projet. Si nous étions cyniques, nous leur proposerions de participer à une émission de divertissement où le public serait amené à voter pour le candidat le plus séduisant dans ses explications.
Une émission qu'on appellerait « Combat de riches » ...

Mais comme nous ne sommes pas cyniques, nous nous bornerons à vous présenter, Madame la Ministre, l'expression de nos sentiments les meilleurs. 

Pour RTBF89
Catherine Godart, Isabelle Marchal, Eric Pecher, Philippe Walraff 

(*) Selon le Baromètre 2011 du CSA, le temps d'antenne accordé aux chômeurs et oux couches les plus basses de la société représente moins de 10% et l'image renvoyée est peu valorisante. En revanche, le temps d'antenne consacré aux classes supérieures est de 46%. A en croire la RTBF, la société belge est donc majoritairement aisée. Autant le savoir...

mercredi 10 juillet 2013

Je veux ce joooooob ! Lettre ouverte à Céline Frémault et réponses

L E T T R E  O U V E R T E  R E C O M M A N D É E

adressée à Céline Frémault,
Ministre de l’Economie et de l’Emploi de la Région Bruxelles Capitale, Belgique

Copie envoyée aux autres membres du gouvernement et aux députés du Parlement  


Concerne: 

« Je veux ce joooooob ! », projet d'émission de divertissement de la RTBF en collaboration avec Actiris






Article actualisé le 15/07/2013 (courrier de la Ministre Céline Frémault et notre réponse, publiés ci-dessous)



Madame la Ministre,

La semaine dernière, le projet d'émission de la RTBF, "Je veux ce joooooob!" faisait grand bruit sur les réseaux sociaux, au point que 24 heures à peine après le début de la polémique, la RTBF annonçait, sur la page de l'appel à candidature de son site, la suspension momentanée de l'émission en question (1).

Pour ce projet, la RTBF s'est associée à EBUCO (2), société de production privée, ainsi qu'à Actiris, l'Office Régional Bruxellois de l'Emploi.

Passons rapidement sur les critiques, nombreuses et outrées, auxquelles le principe de l'émission a donné lieu puisqu'elles ne relèvent pas de votre compétence.

Nous nous intéressons en priorité au rôle joué par Actiris dans l'appel à candidature.

Dans un premier temps, nous avons pris connaissance d'un mail intitulé «Casting : Je veux ce joooooob!», envoyé à "un certain nombre" de demandeurs d'emploi bruxellois.

Premier étonnement et motif de mécontentement, donc, puisque ce mail ne constitue ni une offre d'emploi, ni une proposition de formation ou de stage.

L'utilisation de données personnelles, par Actiris, pour promouvoir une émission de télévision (de "Divertissement") paraît clairement sortir du cadre des missions de cet organisme public, et enfreindre la loi sur la protection de la vie privée.

Un article paru dans la Dernière Heure nous apprenait également comment il avait été procédé à ce "casting" :
« Actiris a donc joué les casteurs en mettant gracieusement ses fichiers à disposition de la boîte de production Ebuco. C’était l’une des options pour trouver des candidats pouvant être intéressés par l’expérience. Tous les demandeurs d’emploi n’ont pas été sollicités. Nos services internes ont établi une sélection sur la base de différents critères", explique Vincent Dewez, directeur de la communication chez Actiris.

Sur la base de cet article, nous tirons les conclusions suivantes :

1) Un organisme de service public a confié des données personnelles à une société privée.
2) Ces données ont été sélectionnées sur la base de critères non précisés, non objectivables, non vérifiables, connus uniquement d'Actiris et, on peut raisonnablement le supposer, des deux autres concepteurs de l'émission «Je veux ce joooooob!»: la RTBF et EBUCO S.A.

Ces deux points sont en opposition totale avec les rôles, missions et valeurs du service public!

A ce titre, plusieurs demandeurs d'emploi, «heureux élus de la pré-sélection au casting» ont fait la démarche de porter plainte, qui à Actiris, qui à la Commission de la Protection de la vie privée, qui aux deux. On devine qu'ils sont nombreux, ceux qui n'ont pas osé faire cette démarche par crainte de s'attirer d'éventuelles représailles...

Nous relayons ici l'indignation suscitée par l'émission, on l'a dit, mais aussi par la façon dont Actiris, associé à la RTBF et à la société EBUCO SA, aurait géré ce dossier.

Nous insistons pour que toute la lumière soit faite sur les questions laissées en suspens dans ce dossier, dont la principale : tout cela est-il légal ?

Notre propos n'est pas de «réclamer des têtes», ni celles de lampistes, ni même celles de tel ou tel responsable... Ce que nous réclamons face à de telles dérives, c'est que le citoyen puisse bénéficier de services publics «au service du public»!

Nous sommes nombreux à vivre, impuissants, tous ces petits renoncements quotidiens, tous ces estompements de la norme qui repoussent chaque jour un peu plus loin les limites de ce qui est admissible, acceptable, possible... jusqu'à devenir normal, habituel, banal.

Jusqu'au jour où, en guise de service public, on se retrouve avec une coquille vide toute dévouée au service de sociétés privées, soumises aux seules règles de l'audimat, des annonceurs publicitaires ou des dernières tendances, prêtes à se vendre au plus offrant, lui laissant les clés de la maison et le mot de passe de la base de données.

Comment en est-on arrivés là ? Telle est notre principale interrogation. Faire en sorte que les pouvoirs publics se ressaisissent, voilà ce que nous attendons de ceux qui nous représentent...

Cette question nous paraît bien plus fondamentale, en termes de Démocratie, qu'une émission de divertissement conçue par une société privée avec de "vrais chômeurs" à qui on promet de vivre "une expérience hors du commun où ils auront la chance d'être entouré de coaches, prêts à tout pour bouleverser leur destin!"

De la même façon, il nous paraît bien plus fondamental, en termes de lutte contre le chômage, de se pencher sur les causes, plutôt que de transformer ses effets en spectacle télévisuel.

Avec, en Belgique, 450.000 demandeurs d'emplois complets indemnisés pour à peine vingt à trente mille offres d'emploi, il y a mieux à faire que de rappeler aux chômeurs qu' «envoyer un CV est souvent loin d'être suffisant pour se faire engager» : ils sont au courant!

Etonnant que la RTBF et EBUCO SA, et surtout Actiris, aient l'air de le découvrir et de considérer que l'origine du problème soit dans le chef de ces centaines de milliers de personnes qui ne sauraient pas s'y prendre pour trouver "le job de leurs rêves"!.

Consternant d'imaginer qu'on puisse vouloir faire passer comme message qu'avec l'intervention miracle d'un coach au sourire bifluoré, toutes ces peccadilles vont bien vite s'arranger...

C'est infamant et méprisant pour ces travailleurs sans emploi en situation précaire!

Nous espérons qu'il sera répondu aux questions relatives à la légalité de la démarche d'Actiris et, tout en étant conscients que les enjeux de l'organisation du travail dans notre société sont énormes et dépendent de nombreux facteurs, qu'il soit au moins épargné à ceux qui en sont les victimes de devenir les sujets d'un spectacle de divertissement malsain.

Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l'expression de nos sentiments les plus cordiaux,

Pour RTBF89 : Catherine Godart, Isabelle Marchal, Eric Pecher, Philippe Walraff 

Les personnes/associations suivantes ont souhaité se joindre à notre initiative. La liste des co-signataires reste ouverte tant que les questions posées dans cette lettre n'auront pas obtenu de réponse convaincante. Le blog sera mis à jour avec les noms de toutes celles et ceux qui nous en font la demande en envoyant un mail à blogrtbf89@gmail.com

Co-signataires :
Patrick Louis, Florence de Crawhez, Patrick Dezille, Michèle Gilkinet, Nadine Van Walleghem, Thierry Baudaux, Claude Lemmens, Karen Prevot, Marie Camoin,
Léon Detroux, Pascale Jehin, Patricia Muller, Guéric Bosmans, Stéphane Ledune, Citoyen(ne)s.
Eric Lauwers, Directeur de SMartBe

L'Action des Travailleurs sans Emploi de la CSC Bruxelles
Les sections locales de la CSC d'Uccle-Forest-Saint-Gilles, Bruxelles-Saint-Josse, de Laeken-Neder Over Heembeek et de Schaerbeek-Evere–Haeren.
Riposte-CTE 
MPOC (Mouvement politique des objecteurs de croissance)


PS : Parallèlement à ce courrier, nous interpellons également la Ministre Fadila Laanan, tant sur sur l'indécence du projet que sur le rôle qu'aurait joué la RTBF dans la décision d'envoyer le mail « Casting » à des demandeurs d'emploi inscrits dans la base de données d'Actiris.
Par ailleurs, nous ne manquerons pas de relayer sur les réseaux sociaux toutes suites données à cette affaire...

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Réponse de Céline Frémault à notre lettre ouverte



Notre réponse du 15/07/2013 à ce courrier


Madame,

Nous vous remercions de votre courrier du 12 juillet 2013 qui répond partiellement aux points soulevés dans notre lettre ouverte.

Le plus sensible de ces points paraît fort heureusement écarté puisque Actiris affirme n'avoir procédé à aucun transfert de données à un tiers, ce que nous a d'ailleurs confirmé de vive voix la journaliste qui signe l'article sur lequel se fondait notre inquiétude.
La phrase « Actiris a donc joué les casteurs en mettant gracieusement ses fichiers à disposition de la boîte de production Ebuco » pouvait prêter à confusion : ce point est donc éclairci.

Vous nous assurez, par ailleurs, qu'il n'y a pas eu de casting préalable, direct ou indirect, du producteur de l'émission (Ebuco). C'est donc bien Actiris qui avait procédé à ce casting, comme nous l'avions compris(*), mais notre question portait sur les critères de sélection de ce casting « non précisés, non objectivables, non vérifiables. »
Quels critères ? La question reste posée.

Nous prenons acte de la décision d'Actiris de se retirer d'un projet auquel, d'après les termes de votre lettre, il n'était associé "que par une convention de collaboration qui prévoyait un certain nombre de garanties"...
Soit ces garanties n'ont pas été respectées, soit le tollé provoqué par l'émission aura dissuadé Actiris de se voir associé à un projet dont le caractère indécent lui avait échappé jusque là, sans doute à cause de « tous ces petits renoncements quotidiens, tous ces estompements de la norme qui repoussent chaque jour un peu plus loin les limites de ce qui est admissible, acceptable, possible... jusqu'à devenir normal, habituel, banal. »

Si tel est le motif du retrait d'Actiris, il y aura tout lieu de se féliciter de la réaction de nombreux citoyens - à commencer par des chômeurs - dès l'annonce de cette « (mauvaise) émission de téléréalité », pour paraphraser le titre d'un article paru dans la presse française.

Nous restons à l'écoute très attentive de ce dossier : il est fort probable que la RTBF s'obstinera dans son projet, qu'elle nous présentera dans un nouvel emballage, convaincue qu'il s'agit d'un simple « problème de communication » et que « les internautes ont mal saisi les valeurs que le service public a voulu mettre en avant : des valeurs de « respect de la personne ».

Même si Actiris s'est retiré de cette émission qui, à en croire le porte-parole de la RTBF, ressemble à une magnifique aventure humaine, ce sera l'occasion de rappeler, le cas échéant, que nous ne savons toujours rien des fameux critères de sélection qui ont servi au casting. A moins bien sûr que d'ici là, nous n'ayons reçu un complément d'information.

Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l'expression de nos sentiments les plus cordiaux.

RTBF89
Catherine Godart, Isabelle Marchal, Eric Pecher, Philippe Walraff

PS : Certains chômeurs avaient déjà posé toutes les questions reprises dans notre lettre ouverte dès le 4 juillet, en envoyant un mail au service Plaintes d'Actiris. A ce jour, personne n'a encore reçu de réponse, pas même un accusé de réception...

 (*) Tous les demandeurs d’emploi n’ont pas été sollicités. Nos services internes ont établi une sélection sur la base de différents critères", explique Vincent Dewez, directeur de la communication chez Actiris.

 

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Article lié : Je veux ce joooooob... Combat de pauvres !

Le Figaro : Polémique autour d'une émission belge
La Libre Belgique : Je veux ce joooooob ! Tout cela est-il légal, Madame la Ministre ?
Le Soir : « Je veux ce joooooob » : tout cela est-il légal ?
Le chat du Soir (vendredi 12 juillet)

(1) Pour les détails de l'affaire, se reporter à l'article paru sur le site français d' "Arrêt sur Images"
(2) EBUCO N° d'entreprise 0863.301.087

La lettre ouverte a été reprise sur le site de La Libre Belgique, dans sa rubrique Débats-Opinions, ainsi que sur le site du Soir, sous forme de Carte blanche.
Toujours sur le site du Soir, elle fera l'objet du chat de demain, entre 12 et 13 heures.

mardi 2 juillet 2013

Je veux ce joooooob... Combat de pauvres !

PROJET SUSPENDU...(02/07/2013 - 18h30)

SUSPENDU MOMENTANÉMENT : MÉFIANCE donc !!!
Gare au retour sournois de ce projet indécent... Nous serons vigilants !

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CASTING : JE VEUX CE JOOOOOOB !


S'il s'agissait d'un gag, il n'aurait rien de drôle. Mais voilà, cet appel à candidatures pour une prochaine émission de télévision du service public n'est pas un gag et là, on s'étrangle! 

C'est que la RTBF, grisée par le succès de l'émission The Voice (succès en termes de parts de marché, étalon-or des médias), se sent pousser les ailes de la télé-réalité jusqu'à les brûler, à tant vouloir s'approcher des sunlights...

Classé dans la rubrique "Divertissement", sous des photos de Roberto Bellarosa, de Boys Band ou des indécrottables Frères Taloche, l'appel à candidatures nous éclaire sur le concept du nouveau "produit" : « Employer les moyens les plus étonnants pour intéresser un chef d'entreprise » (...)  « séduire et convaincre un futur employeur ». Bien entendu, l'annonce ne dit rien des conditions recherchées pour faire partie du casting, sinon que la motivation sera primordiale.
On achève bien les chevaux, version moderne ! La misère mise en spectacle, réduite à un divertissement, histoire de bien se détendre entre amis ou mieux, en famille. Un « grand divertissement familial dont les valeurs semblent a priori saines », avait dit Fadila Laanan à propos de The Voice, balayant les critiques d'un revers de la main...

Nausée ! 

A quand une émission « Je suis chômeur, je coûte cher à la société, aidez-moi à réussir mon suicide » ? Ce serait à peine pire...

Sur la page de l'appel, les réactions indignées pleuvent ! Et la RTBF TV d'intervenir, submergée par le flot de commentaires, pour tenter de sauver ce qui lui reste encore de crédibilité : « A travers différentes expériences, « Je veux ce jooob » souhaite montrer comment on peut optimaliser aujourd’hui la recherche d’emploi, celle-ci ne pouvant plus se résumer à l’envoi et à la lecture d’un CV. » 

Révélation ! 

Et la recherche des causes du chômage ? Vont-elles seulement être évoquées, dans l'émission ? Se résumera-t-on à marteler que si les chômeurs ne trouvent pas de travail, c'est parce qu'ils ne savent pas y faire ? Ou bien va-t-on consentir à faire ce simple calcul (niveau école primaire) qu'avec 450.000 chômeurs complets indemnisés (plus tous les autres, non repris dans les statistiques officielles du chômage, plus tous ceux qui en sont exclus), et à peine vingt à trente mille offres d'emploi, cela fait un minimum de 420.000 chômeurs qui, même en « optimalisant » leur recherche et en « employant les moyens les plus étonnants pour intéresser un chef d'entreprise » ne trouveront de toutes façons pas de travail?

Mais ces chiffres-là n'intéressent sans doute pas les concepteurs de l'émission : pas assez vendeur, pas assez de paillettes, pas assez de rêve...  Les seuls chiffres qu'ils aiment, c'est ceux de l'audimat et des montants versés par les annonceurs pour les coupures publicitaires de "Je veux ce joooooob!" qu'on devine déjà nombreuses, intempestives, intrusives, insupportables...

On est bien loin (une fois de plus) des missions de service public de la RTBF et la fronde qui s'est d'ores et déjà manifestée sur les réseaux sociaux n'est sans doute que le début d'autres actions, pétitions, plaintes à venir. Voyons si la morgue qui caractérise habituellement les responsables de la grande maison, enfermés dans leur perpétuelle tour d'ivoire d'auto-satisfaction, suffira cette fois à passer outre la vague de colère et d'écoeurement de ceux qui, à 70% financent son existence, mais chuuut, ce type d'argument, c'est du populisme !

Que dire enfin du rôle joué par Actiris dans cette affaire ? Les habitants de Bruxelles, inscrits comme demandeurs d'emploi, ont donc été des (dizaines de) milliers à recevoir un mail intitulé "Casting : Appel à candidatures" pour une émission de la RTBF, les enjoignant à se mettre en contact avec une société privée, s'il correspondaient à ce profil : « hommes et femmes, de tout âge, dans tous les secteurs d'activités ». Voilà qui est précis ! Ah oui, bien sûr : ce qui est primordial, c'est la motivation et l'ambition... Donc, si vous ne répondez pas à ce mail, c'est  l'aveu implicite que vous n'êtes ni motivé, ni ambitieux, à moins bien sûr que nous ne soyez ni un homme ni une femme, ni à la recherche d'un travail dans tous les secteurs d'activité. CQFD. 

Revenons au courriel d'Actiris. 
S'agit-il d'une offre d'emploi ? Non. Pas à proprement parler.
D'une proposition de formation, de stage ? Non plus...
Ce mail, la cause paraît entendue, s'apparente donc davantage à un courrier promotionnel, pour ne pas dire un spam. 
Et en destinataires de ce courrier ? La base de données complète des demandeurs d'emploi bruxellois, utilisée (détournée?) par Actiris (service public) pour la promotion d'une émission de la RTBF (service public)... Franchement, tout cela est-il bien sérieux ?  

Et puis surtout, tout cela est-il bien légal ? (*)

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(*) IMPORTANT !!!

Cette question RESTE à l'ordre du jour, malgré la suspension momentanée du projet d'émission de la RTBF. 
Un article de la Dernière Heure nous en dit d'ailleurs un peu plus, c'est édifiant !

 « Actiris a donc joué les casteurs en mettant gracieusement ses fichiers à disposition de la boîte de production Ebuco. "C’était l’une des options pour trouver des candidats pouvant être intéressés par l’expérience. Tous les demandeurs d’emploi n’ont pas été sollicités. Nos services internes ont établi une sélection sur la base de différents critères", explique Vincent Dewez, directeur de la communication chez Actiris. »  
En d'autres termes, un service public a mis des fichiers contenant des informations personnelles de milliers de demandeurs d'emploi à la disposition d'une société privée. C'est encore pire que ce qu'on ne pensait !

Si vous êtes chômeurs et que vous avez reçu le mail d'Actiris, écrire et porter plainte à la Commission de protection de la vie privée.
commission@privacycommission.be

Si vous souhaitez obtenir, de la part de RTBF89, une lettre type, des  liens vers de articles de presse pour étayer votre plainte, des informations complémentaires, vous pouvez nous envoyer un mail à cette adresse : blogrtbf89@gmail.com


Adresses utiles :
Porter plainte à la RTBF : mediationrtbf@rtbf.be
Porter plainte auprès du CSA : http://www.csa.be/messages/new?type=complaint
Porter plainte auprès d'Actiris : Plaintesklachten@actiris.be
Pour les chômeurs ayant fait l'objet de ce courrier : Commission de protection de la vie privée (utilisation détournée de son fichier de données personnelles) : commission@privacycommission.be

En cas de pétition, d'action ou d'interpellation à venir, toutes les informations seront publiées en temps utiles ici même ainsi que sur notre page Facebook

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