mercredi 18 décembre 2013

Viva For Life: Bons sentiments et mauvaises politiques

Une opinion de Irène Kaufer, citoyenne.*

Voilà, c'est parti pour Viva For Life : parti pour six jours d'autopromotion ertébéenne, six jours de show médiatique, de caméras braquées sur trois animateurs de radio qui vont faire les zouaves « au profit des bébés pauvres » - comme si le fait qu'ils ne mangent rien de solide et dorment peu pouvait améliorer le sort de qui que ce soit, à part le leur. Car c'est bien sur eux et sur les « stars » qui viennent les soutenir que les caméras sont braquées, sans même parler de leur caricature de grève de la faim et de sommeil perturbé, quand tant d'autres mettent réellement leur santé en jeu pour une cause ou sont contraints de dormir dans la rue !

Et tout cela en évitant une véritable analyse...

Comme s'il y avait des « bébés pauvres » sans parents pauvres, et particulièrement des mères pauvres, ces fameuses « familles monoparentales » qui forment une partie importante de la population précaire !

Comme si la pauvreté était une fatalité, une sorte de catastrophe naturelle dont seule la générosité publique pourrait soulager les victimes !

Comme s'il n'y avait pas de responsables !

Comme si la justice sociale était simple affaire de bons sentiments !

Comme si le combat contre la pauvreté n'était pas le devoir – et l'un des plus importants – des autorités publiques !

On verra donc de pauvres gens ouvrir leur portefeuille pour de plus pauvres qu'eux, des associations collaborer, de gré ou de force, à ce cirque indécent, contraintes de faire appel à la charité par leur manque de moyens. On verra des bénévoles plein/e/s de bonne volonté, des militant/e/s de la cause des enfants et/ou de la misère se laisser enfermer, sinon dans un cube de verre, du moins dans une bulle médiatique, avant d'être renvoyé/e/s à l'invisibilité , pour tenter de combler des trous creusés par d'autres !

Mais les bons sentiments ne peuvent rien contre de mauvaises politiques. Si la pauvreté et la précarité sont en pleine expansion dans notre pays – qui reste un pays riche, rappelons-le ! - ce n'est dû ni à une tornade, ni même à la « crise » très anonyme, mais à des inégalités sociales croissantes créées et entretenues par de mauvaises politiques, dites d'austérité – mais pas pour tout le monde ! Car face aux enfants et aux parents vivant sous le seul de pauvreté, il y a tous ceux qui vivent au-dessus du seuil de la richesse et qui ne sont jamais mis à contribution. « De plus en plus de riches en Belgique», titrait la Libre du 3 juillet 2013, notant l'augmentation de 7% du nombre de millionnaires. « De plus en plus de jeunes sont confrontés à la pauvreté », titrait en parallèle le Soir du 15 mai 2013.

Le rôle d'un média de service public, ce n'est pas de se prêter à des « jeux » (dont le « concept » a été acheté ailleurs, c'est un comble!), mais de faire le lien entre les mesures politiques et l'accroissement de la précarité. D'expliquer que ces bébés pauvres qu'on prétend aider – ou surtout pousser d'autres à les aider – sont les enfants de parents pauvres, de travailleur/se/s aux salaires bloqués, dégraissés (de leur emploi) puis dégressés (de leur allocation de chômage) ; des « isolé/e/s » empêché/e/s de sortir la tête hors de l'eau en essayant de diminuer certaines charges par la colocation, qui les ferait chuter au statut de cohabitant/e, avec réduction de revenus à la clé ; des mères seules contraintes à courir d'un boulot sous-payé à une crèche où il n'y a plus de place ; et tous ces « assistés » qu'on ne cesse de fustiger en étranglant financièrement les institutions censées leur venir en aide : demandez donc aux CPAS !

Quant à celles et ceux qui se révoltent, quelle horreur ! On ne peut pas d'un côté verser des larmes de crocodile sur les «bébés pauvres» et de l'autre, répéter qu'il n'y a qu'une seule politique possible, pointer du doigt ces grévistes «preneurs d'otage» ou ces syndicalistes pourtant bien sages toujours soupçonnés de refuser d'évoluer avec le monde... ce monde qui justement, entretient la misère !

Après l'opération « Hiver » de 2012, voilà la RTBF qui oublie encore une fois son rôle de service public pour un grand numéro de « charity show » qui se situe, lui, très en deça du seuil de la décence.



















Le blog d'Irène Kaufer : http://www.irenekaufer.be/

"Angry for justice", groupe facebook créé par Irène Kaufer: https://www.facebook.com/groups/angryforjustice/

vendredi 13 décembre 2013

Vente et relocation des émetteurs de la RTBF ?



Un projet de sale & leaseback [1] (vente d’un bien pour le louer au nouveau propriétaire) est sur le point de se réaliser en catimini concernant les émetteurs du média de service public.

Malgré un avis négatif rendu en 2012 lors d’un audit de Deloitte, une récente publication dans TED [2] (supplément du journal officiel de l’Union européenne) vient confirmer que la direction ertébéenne poursuit dans cette piste de financement éphémère.

On peut y lire l’extrait suivant :
                «Le choix de la procédure accélérée se justifie par le fait que la RTBF doit s'adjoindre, dans les plus brefs délais, les services d'une société de consultance spécialisée dans l'accompagnement à la vente d'actifs, afin d'initier rapidement et de mener à bien la transaction de vente de l'infrastructure Emetteurs et de l'externalisation de l'activité de transmission y afférente. L'objectif de cette réalisation d'actifs est, pour la RTBF, de rencontrer les obligations qui lui ont été fixées par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans son nouveau contrat de gestion, en termes de « responsabilisation SEC95 ». L'urgence entourant ces impératifs, essentiels tant pour la RTBF que pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (quant à sa capacité et son besoin de financement), rend inadéquats les délais classiques.»
Une recherche de financement d’urgence précipiterait donc l’affaire ; précipitation rarement bonne conseillère en pareille circonstance.

En mars dernier, un article de Trends.be [3] évoquait les difficultés financières de la maison Reyers avec comme piste, notamment, « la vente de terrains, voire même de quelques pylônes émetteurs appartenant à la RTBF » afin de « mettre un peu de beurre dans les épinards amers des comptes de la radio-télévision publique. »

Or, les derniers échos font mention de l’ensemble des installations émettrices, y compris des bâtiments à valeur historique si on en juge un récent reportage de la RTBF relatif à l'un des six émetteurs principaux. [4]
La vision de la vidéo en bas d’article permet de comprendre la valeur patrimoniale du site.
Une quinzaine de personnes travaillent dans les installations d’émetteurs de la RTBF.
Le coût d’usage et d’entretien est actuellement d’environ 6 millions d’euros par an.

On se souvient que la VRT a réalisé une opération similaire entre 2008 et 2009 [5] avec l’opérateur privé Norkring Belgique.
Non sans quelques regrets : l’achat a été amorti par Norkring en moins de deux ans.
La VRT paierait une rente annuelle de l’ordre de 13 millions d’euros prévue dans un bail de 9 ans.

Rappelons que la « responsabilisation SEC95 » pousse la RTBF à rechercher un meilleur équilibre budgétaire pour obtenir un « bonus » de dotation.
Cependant, la source des économies potentielles visant cet objectif ne se limite nullement à la cession d’actifs.
La vente des émetteurs est un choix « facile » à court terme mais alourdira de manière significative le budget de la RTBF pour les années suivantes. La rente annuelle qui devra être payée au nouveau propriétaire des émetteurs constituera une dépense dépassant de loin (plus du double !) le coût annuel du fonctionnement des installations, entrainant un nouveau déséquilibre budgétaire avec une répercussion inévitable sur d’autres secteurs.


Par ailleurs, par cette vente, la RTBF se priverait de rentrées financières régulières apportées par la mise à disposition de certaines installations à d’autres opérateurs médias  [6] (Bel-RTL, Radio Contact) mais aussi aux opérateurs de téléphonie mobile.
On imagine difficilement la RTBF faire une bonne affaire dans ces conditions.

Une vente des installations émettrices serait irréversible pour la RTBF ; il serait impossible de retrouver des sites adéquats disponibles et l’installation d’un nouveau matériel technique aurait un coût exorbitant.

Nous nous retrouvons face à un cas typique de partenariat public-privé (PPP) [7] qui tend à se répandre dans nos contrées. Un mode de financement critiqué [8] car rien ne démontrerait le bénéfice en terme de coût ou d’efficacité de gestion.

La RTBF va-t-elle réellement brader des installations à la fois utiles, rentables et à valeur patrimoniale inestimable ?

Selon un article paru dans l'Avenir [9] le 12 décembre 2013, la RTBF reste évasive sur la question.
 
Références :
[1] Revente et location à long terme de l’objet de la vente : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sale_and_Leaseback
[2]Avis de marché publié en mai 2013 dans le supplément du Journal official de l’Union européenne TED : http://ted.europa.eu/udl?uri=TED:NOTICE:144498-2013:TEXT:FR:HTML&src=0
[6]Article de L’Avenir du 6 février 2010 :  http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=408242
[7]Le Partenariat public-privé (PPP) :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Partenariat_public-priv%C3%A9