mardi 15 février 2011

l'affaire Marie-Rose Morel: une erreur journalistique?

 
C'est un véritable séisme qui s'est emparé de la blogosphère belge ce week-end: les internautes flamands, suivis par les médias, ont vivement réagi au reportage du JT de la RTBF du 12 février dernier. 
Celui-ci commentait l'enterrement de Marie-Rose Morel,ancienne figure de proue du Vlaams Belang, et célèbre en Flandres pour avoir médiatisé sa lutte contre le cancer.


Au-delà des très vives réactions flamandes, la question à poser est de savoir si le reportage d’Alexandre Mitea et Michel Boulogne était un bon travail journalistique?

A l'analyse, on constate plusieurs éléments:
1) Il n'y a pas eu un, mais deux reportages sur l'enterrement de M-R. Morel: un au JT de 13h, l'autre à 19h30. Et ils ne sont pas identiques. 

Le premier est extrêmement violent. Extrait: 
"Marie-Rose Morel était une xénophobe pure et dure, anti-immigration et anti-francophone. Mais aujourd’hui à Anvers tout cela semble oublié, ou accepté" 
Dans le second reportage, le ton s'adoucit: 
"Marie-Rose Morel était une xénophobe pure et dure. Aujourd’hui à Anvers tout cela semblait oublié."
 2) La VRT a relevé dimanche soir dans son JT, plusieurs faits manquants dans le reportage de la RTBF:
-> Morel était fâchée avec les dirigeants de l'extrême droite flamande, qui n’était pas présents à la cérémonie.
-> Morel a couté des voix au Vlaams Belang, en faisant éclater les divisions du parti au grand jour.
-> Les gens amassés sur la place d’Anvers étaient principalement touchés par son combat contre le cancer.

Christian Dauriac, rédacteur en chef du JT de la RTBF, a réagi à ces critiques toujours sur la VRT:
"Comme vous le constatez, ça ne figurait pas dans le reportage, parce que je pense qu’un reportage est limité dans le temps et je pense qu’il vous arrive à vous aussi, dans un reportage, de constater que vous n’avez pas tout dit." 
"J’ai considéré que c’était un travail journalistique, équilibré, dont après la diffusion nous constatons qu’il a pu choquer une partie de l’opinion et je vous le dis, nous en sommes désolés, mais nous avons eu le sentiment d’avoir fait pleinement notre travail de journaliste. »
Voir le reportage de la VRT

Pourtant au final, on peut pointer plusieurs erreurs effectuées par ces journalistes:
-> la diffusion trop rapide du reportage, sans vérification préalable de leurs informations, au JT de 13h, alors que le sujet n'était pas forcément urgent pour le public francophone.
-> le manque de recoupement de sources de la part du journaliste, qui n'a pas cherché à interroger des flamands sur le sujet - on peut d'ailleurs se demander si les images du reportage proviennent bien d'équipes de la RTBF?
-> le manque de prise de distance par rapport à son sujet, dans lequel il ajoute des appréciations personnelles à plusieurs reprises. ("xénophone pure et dure", "tout naturellement", etc...)

A toutes ces erreurs, on peut trouver une cause: le manque de temps. Mais cela excuse-t-il pour autant le manque d'objectivité? Car vu le contexte, ce que l'on appelle déjà "l'affaire Marie-Rose Morel" risque bien d'avoir des conséquences durables sur les relations entre francophones et flamands...


4 commentaires:

  1. Mère Courage, Mère Flandre

    (...) « Cette communion populaire, c’est peu dire que nous ne l’avons pas comprise ni acceptée. Sans doute parce que nous ne comprenons ni n’acceptons le distinguo que l’on nous invite à faire entre le nationalisme et l’extrême droite. Nous manquons pour cela de la plus élémentaire audition. Et l’on s’excuse beaucoup, mais ce n’est pas nous qui, à l’annonce de la dégradation de l’état de santé de Marie-Rose Morel, avions écrit sur Facebook : "Mettez le champagne au frais". C’était deux de ses anciens partenaires du Vlaams Belang.

    Peut-être bien alors qu’il faudrait aussi mesurer la mesure... »

    (pour lire la chronique complète, cliquer sur "La Chronique de Paul Hermant")

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  2. « Une jeune mère de famille qui meurt après avoir agonisé de longues semaines restera toujours un drame humain. Mais la mort, la maladie, le courage devant celle-ci ne peuvent tout excuser, tout occulter.

    La quasi-totalité de la Flandre médiatique s’insurge allant jusqu’à prétendre que puisque les chômeurs wallons reçoivent de l’argent flamand, ils pourraient au moins partager les mêmes émotions que la Flandre ! (Luc Van Der Kelen, Het Laaste Nieuws, 14/02). Visiblement, même les commentateurs adoptent des arguments d’autorité, obligeant chacun à partager les mêmes sentiments.»

    (pour lire la chronique conmplète, cliquer sur "La Chronique de Philippe Walkowiak)

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  3. Trois éclairages différents pour une même question, l'article et les deux chroniques en commentaires.

    Mêler vie publique et vie privée par le biais de la peopolisation médiatique est un choix porteur à tout moment du risque de passer de la confusion au dérapage.
    Faut-il parler de dérapage, ou d'erreur, lorsqu'un reportage choisit le moment des funérailles de Marie-Rose Morel pour dissiper la confusion et nous renvoyer l'image de la femme engagée en politique, dans une ligne qu'elle n'a jamais reniée, malgré son changement de parti ?
    Le dérapage n'eut-il pas lieu déjà en amont, alors que jour après jour, la chronique d'une mort annoncée était livrée en pâture aux lecteurs de ce triste feuilleton par sa protagoniste elle-même ? Ou plus tôt encore, lorsque deux de ses anciens partenaires du Vlaams Belang se sont fendus sur leur page facebook d'un "Mettez le champagne au frais" tout simplement révoltant...

    Il faut reconnaître que cette médiatisation pose question.

    Et lorsqu'on lit sous la plume de Luc Vanderkelen que "si les chômeurs wallons reçoivent de l’argent flamand, ils pourraient au moins partager les mêmes émotions que la Flandre !" on n'a même plus envie de parler d'erreur, mais bien de nivellement vers le bas de la part d'un éditorialiste qui ferait mieux de chercher son inspiration ailleurs que dans les commentaires de trolls douteux dont les forums en ligne regorgent...

    Non, ce marchandage entre indemnités de chômage et sentiments n'est pas digne d'un journaliste professionnel, éditorialiste de surcroît et il doit bien se trouver en Flandre quelques chômeurs et autres laisser-pour-compte d'une économie flamande aux accents triomphalistes qui se demandent, à l'heure qu'il est, si l'empathie ne serait pas devenue, sans qu'on y ait pris garde, un privilège auquel seuls les Bekende Vlamingen ont, au bout du compte, le droit de prétendre.

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  4. Ce ramdam est la conséquence d'années de silence sur ce qui se passe en Flandre. Pas d'intention mauvaises, non rien que de l'ignorance, ignorance de la langue de l'autre pour une majorité de francophones, de l'arrogance des détenteurs d'une culture supérieure francophone, des héritiers détenteurs exclusifs de la bonne cause historique. Le droit à l'indépendance qui est salué quand il est revendiqué au loin est refusé à nos voisins.

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