Dans l'émission Le Grand Huit, animée par Pascal Claude, George Warnet, professeur à l'ULB, signait ce samedi un excellent billet dans la rubrique « Parole d'expert » :
Comment la pub va tuer le capitalisme
Le capitalisme vise à faire fructifier un capital en le plaçant judicieusement. L’économie de marché l’instrumentalise dans le but d’accroître ce capital. Cette économie de marché présuppose un environnement où la concurrence est développée, la compétition devenant une "destruction créatrice" comme l’a proposé Joseph Schumpeter.
La publicité fait partie du processus de compétition. Pour Friedrich Hayek, autre économiste autrichien influent : "La publicité joue un rôle essentiel. Elle permet aux entrepreneurs de signaler aux consommateurs l’existence de nouveaux produits et de les informer des différences de prix et de qualité."
Le capitalisme vise à faire fructifier un capital en le plaçant judicieusement. L’économie de marché l’instrumentalise dans le but d’accroître ce capital. Cette économie de marché présuppose un environnement où la concurrence est développée, la compétition devenant une "destruction créatrice" comme l’a proposé Joseph Schumpeter.
La publicité fait partie du processus de compétition. Pour Friedrich Hayek, autre économiste autrichien influent : "La publicité joue un rôle essentiel. Elle permet aux entrepreneurs de signaler aux consommateurs l’existence de nouveaux produits et de les informer des différences de prix et de qualité."
La publicité se veut donc un moyen d’information nécessaire au fonctionnement de la concurrence, car elle présuppose que le consommateur est un être rationnel. Mais cette approche théorique reste-t-elle d’application aujourd’hui ? N’est-il pas interpellant que beaucoup d’utilisateurs continuent à acheter des produits de Microsoft, alors que beaucoup d’entre eux savent que Linux est équivalent sinon supérieur à Windows, qu’il a l’avantage d’être un système ouvert et, mieux encore, gratuit ?
L’on peut trouver de nombreux autres exemples où la publicité impose un choix qui est loin d’être optimal, par un matraquage systématique d’une audience de plus en plus passive et de plus en plus nombreuse. Comme l’avait très bien dit Patrick Le Lay, patron de TF1 en 2004, "il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages" (1). Ceci a pour conséquence directe une course à l’audience pour l’audience et une valorisation de cette dernière de manière tout à fait excessive.
En effet, qui crée ou développe de l’audience devient une star, rémunérée dans des proportions, vis-à-vis de "Monsieur Tout-le-monde", inimaginables il y a encore un quart de siècle. Cette starification a envahi toute la société : du monde du spectacle à celui du sport et dans le business; un C.E.O. américain qui, en 1977, avait une rémunération qui équivalait à environ 50 fois celle d’un travailleur est passée 30 ans plus tard à un ratio de 1 100 !
Que le capitalisme repose sur des inégalités fait partie du jeu. Mais jusqu’où celui-ci peut-il continuer ? En d’autres termes, quel niveau d’inégalités est tolérable pour nos sociétés ? La publicité ne fait qu’encourager cette dérive. Va-t-on voir dans nos pays développés des réactions semblables à celles que nous vivons aujourd’hui dans le monde arabe ? Probablement pas demain, mais quand ?
Georges Wanet
Professeur à l’ULB
Professeur à l’ULB
Nul n'a la réponse à cette question, mais ce qui est sûr, c'est qu'à ce rythme, la publicité tuera d'abord le service public...