mercredi 20 octobre 2010

Quoi de neuf ? La télé ! Enfin, disons… une certaine conception de la télé




Dans sa chronique MediaTIC diffusée sur Matin Première le 7 octobre et intitulée «Quoi de neuf ? La télé!», Alain Gerlache rendait compte des résultats d'une étude publiée par Ineum Consulting. Il y est question de l'avenir de la télévision face à l'évolution des technologies et au développement d'internet.

D'après cette étude, la télévision n'aurait pas trop à souffrir, dans un avenir proche, de la concurrence d'internet, la majorité des vidéos qui circulant sur le web provenant de la télévision ou du cinéma. «Les chaînes traditionnelles doivent donc continuer de prendre des risques et investir dans des contenus qui touchent le public. Et ce public, il faut bien cerner toutes ses attentes. La télé reste et restera encore longtemps un espace de divertissement passif dont on a besoin pour «décompresser». C'est une réalité basique. »

Nous y voilà ! Et comme il s'agit d'une «réalité basique»... On ne discute pas.

On aimerait pourtant en savoir plus sur la méthodologie utilisée par Ineum Consulting pour cerner aussi catégoriquement les attentes du public et, plus généralement, pour mener son étude sur un secteur télévisuel en pleine mutation, en plein questionnement.

L'introduction nous éclaire :
«Afin de mieux comprendre ces ruptures, et leurs enjeux, Ineum Consulting s’est entretenu avec des acteurs clés du secteur »

Sur la page suivante, on remercie ces acteurs clés, devenus entretemps des «experts».

Dans la liste comprenant des directeurs de grandes chaînes de télé (liste complète en commentaires) on trouve notamment Jean-Paul PHILIPPOT, Administrateur délégué, RTBF.

Ceux qui imaginaient qu'Ineum Consulting aurait fait appels à des experts externes issus des milieux académiques ou d'observatoires sociologiques en seront donc pour leur frais.

Très évasive sur les enquêtes permettant d'affirmer que le public réclame du «divertissement passif», l'étude devient plus précise lorsqu'elle aborde les attentes du public en matière de publicité. Et tout à coup, on découvre un téléspectateur transfiguré qui n'aurait plus aucunement besoin de «décompresser» mais se mettrait subitement à analyser les publicités qu'on lui pro(im)pose.

On nous parle alors en ces termes :
  • une audience de plus en plus exigeante
  • moins dupe (…) compare (…) ne se laisse plus aussi facilement convaincre par les promesses commerciales
  • Le téléspectateur d’hier, réceptif et consumériste, a bien changé
  • L’individu moyen n’est plus dupe : il sait qu’on utilise son temps d’écoute pour lui asséner des messages publicitaires à la chaîne.
En gros, le téléspectateur dort pendant les programmes et se réveille pendant les pubs.
Au final, il ressort de cette étude que la grande affaire pour les «experts» consultés se limite à meubler les vides compris entre deux pages de publicités… Nous en avions l'intuition, il nous manquait une étude pour le confirmer : voilà qui est fait.

On aurait également aimé savoir à l'initiative de qui cette étude avait été réalisée mais, malheureusement, Ineum Consulting ne nous renseigne pas sur ce point. (*)

«Non, la télévision n'est pas morte ! » nous dit-on fièrement, en guise de conclusion. «Mais les chaînes doivent pour cela continuer de prendre des risques en investissant dans des contenus phares, en particulier sur l’événementiel, qu’Internet ne peut concurrencer…»

En matière de risques et d'événementiel, L'Italie et sa récente émission de télé-réalité, où une mère apprend en direct le viol suivi du meurtre de sa fille, nous a donné un exemple glaçant de ce que pourrait être la télé de demain chez nous et qui est déjà, chez eux, la télé d'aujourd'hui.
Nul doute que les annonceurs publicitaires qui avaient eu la chance de diffuser des spots ce soir-là ont dû se frotter les mains…


La chronique d’Alain Gerlache (07/10/2010)
http://www.rtbf.be/lapremiere/sequence/programme_mediatic?id=282&scope=past

L’étude d’Ineum Consulting
http://www.ineumconsulting.fr/components/com_jooget/file/etude_tv_2.0.pdf

(*) On trouvera en commentaires les réponses succinctes, mais éclairantes, fournies par les auteurs de l'étude à qui nous avons naïvement posé la question.

4 commentaires:

  1. La liste complète des « experts » consultés pour réaliser l'étude :
    • Julien AMPOLLINI, Directeur de la Stratégie, Canal+ France ;
    • Yves BIGOT, Directeur Général adjoint en charge des programmes, groupe Endemol ;
    • Francis BODSON, Directeur Général Adjoint, BeTV ;
    • François GUILBEAU, Directeur Général délégué en charge des technologies, de la fabrication et des développements numériques, France Télévisions ;
    • Thomas JACQUES, Directeur de la Stratégie et de l’Innovation Nouveaux Médias, TF1;
    • Jean-Marc JURAMIE, Directeur du Marketing Stratégique, Canal+ France ;
    • Patricia LEVY, Directrice Générale de SFR Régie, SFR ;
    • Jean-Paul PHILIPPOT, Administrateur délégué, RTBF;
    • Claire POWELL, Chief Advisor on Editorial policy, BBC ;
    • Jean-François RODRIGUEZ, Directeur Etudes, Stratégie, Innovation et
    Business Development, Direction des contenus, Orange;
    • Laurent SOULOUMIAC, Directeur Général, France Télévisions Interactive ;
    • Thierry TACHENY, Managing Director, SBS Belgium ;
    • Christian LOISEAU, Directeur des programmes de BeTV

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  2. (*) Question posée à Ineum Consulting et réponses obtenues :

    Bonjour,
    J'aurais souhaité savoir à la demande de quel organisme, institution ou société vous avez réalisé l'étude en objet et que l'on peut trouver par le lien suivant :
    http://www.ineumconsulting.fr/components/com_jooget/file/etude_tv_2.0.pdf

    Réponse 1 :

    Cette étude n'a pas été réalisée à la demande de quelque organisme que ce soit. Nous réalisons périodiquement des études de ce type dans les secteurs d'activités de nos clients afin d'alimenter la réflexion du marché.

    Réponse 2 :

    Nous avons réalisés cette étude à notre propre compte. Dans le cadre des travaux de recherche que nous menons en parallèle des prestations que nous réalisons pour nos clients.

    NB : C'est bien connu, le client est roi...

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  3. La RTBF, un service public financé à 70% par l’argent des contribuables doit-il être attentif aux sirènes de la pub qui lui apporte 30 % de ses moyens … ? Ou continuer à penser « service public » (informer, divertir et éduquer) …
    Cruel dilemme ??? Non, évidence … Quelle que soit l’audience, quoi qu’il arrive, quelle que soit la qualité de la programmation, l’argent public est là. Fidèle au poste. Par contre, les annonceurs sont volages et il faut donc les «chouchouter », les appâter … D’où le constat actuel, de (mauvais) choix qui sont souvent déterminés par l’étude scientifique ( ?) des taux d’audience ; on fait la part belle à des programmes faciles et accrocheurs, anecdotiques, faisant vibrer la corde sensible, sensationnels, limite voyeurs. La pub est au rendez-vous dès qu’on prévoit un taux d’audience important ; les annonceurs débarquent avec leurs « gros sabots » … et nous assomment avec leurs messages non sollicités et répétitifs. Si on n’est pas conditionné, on est super agacé ; si on est conditionné, ils ont gagné.

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  4. Par rapport à «Non, la télévision n'est pas morte ! » et à «Mais les chaînes doivent pour cela continuer de prendre des risques en investissant dans des contenus phares, en particulier sur l’événementiel, qu’Internet ne peut concurrencer…», pourra-t-on m'expliquer ce qu'un programme tel que "No limit"* vient faire dans une télé qui "prend des risques etc" ?

    *Une compil de videos plus ou moins nulles sans aucun recul ni analyse du media qu'est l'Internet. De plus cette émission me semble être dans l'illégalité par rapport aux auteurs, qu'elle ne prend même pas la peine de contacter avant diffusion puisque le générique se termine par cette phrase (citée de mémoire): "si vous vous sentez lésé par la diffusion de ces videos, veuillez contacter la RTBf"...
    http://www.rtbf.be/tv/emission/detail_no-limit?id=323

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